le temps des secrets. (jolon)

Un meurtrier revient toujours sur le lieu de son crime, paraît-il. Halian, silencieux, presque invisible dans la pénombre, avançait vers les berges du lac. Seul, il était indubitablement seul. A cette heure tardive, peu d'habitants s'aventuraient dehors. Pourtant, l'air était encore chaud du soleil qui avait tapé toute la journée. La lune s'élevait dans un ciel sans nuages. Mais Halian aurait pu y aller les yeux fermés. Le jeune homme ôta ses chaussures et continua pieds nus. Il sentait l'herbe sèche, la terre tiède contre ses pieds. Bientôt, il aperçut l'étendue d'eau lisse et immobile. Un faible sourire flottait sur ses lèvres. Il poussait le vice à y revenir encore et toujours, c'était plus fort que lui. C'était le seul espoir qu'il avait.

Mécaniquement, car cela était devenu une habitude, il enleva tee-shirt, jean et sous-vêtement qu'il laissa en boule au bord de l'eau (il gardait simplement sa chaîne autour du cou), et pénétra dans l'eau froide. Le premier frisson lui glaça la peau, mais courageusement, il continua, et après quelques minutes l'eau autour de lui lui parut d'une délicieuse fraîcheur.
Plongeant la tête sous l'eau, Halian se mit à réfléchir. Là, tranquille, au milieu du monde du silence dont il ne ressortait que pour prendre quelques bouffées d'air, son esprit se mit à s'activer dangereusement. Halian se trouvait tout de même sacrément tordu. Il ne pensait qu'à ça depuis des jours. Il n'y avait pas moyen de le faire penser à autre chose. Il mangeait, il se lavait, il marchait, il travaillait, mais il s'était comme vidé de toute émotion, ou presque. Toute la passion dont il était capable se trouvait entièrement tournée vers une seule personne. Si seulement ça avait pu être une fille. Dans ce cas-là, malgré sa timidité, il aurait peut-être trouver au fond de ses tripes le courage d'aller lui parler. Mais Halian se trouvait dans la douloureuse situation de ne pouvoir rien dire. Il avait juste la possibilité de se taire, et d'espérer un miracle. Seulement, il ne savait pas quel miracle il espérait vraiment. Redevenir "normal" ? Ou bien que l'objet de toutes ses pensées le remarque enfin ? C'était toujours les mêmes questions, et Halian se retrouvait bloqué. Rouvrant les yeux à la surface pour respirer l'air qui venait à manquer, son attention fut attirée par quelque chose, et pendant quelques minutes, son esprit fut occupé par autre chose que par Jolon. Il croyait avoir entendu des bruits de pas. Dans le silence, tous les bruits prenaient de l'ampleur. Il haussa les épaules pour lui-même. Il était près de minuit, personne ne viendrait le déranger. Ce n'était sûrement qu'une bestiole, ou un effet de son imagination trop fertile.

Une dernière petite nage, et il s'en allait. Halian s'apprêtait à replonger sous l'eau, quand cette fois, il en fut certain. Il avait bel et bien entendu quelque chose. Ce n'était peut-être qu'un animal, mais il restait sur le qui-vive. Il nagea jusqu'à un endroit où il avait pied, et se mit à jouer avec la fine chaîne d'argent qu'il avait autour du cou, jetant des coups d'oeil furtifs autour de lui. Esprit, es-tu là ?


on voit que j'ai chaud ... c'est pas terrible, excuse-moi. j'espère que ça te convient tout de même. (:

Jolon, en plus d’être quelqu’un de totalement détaché du moindre évènement ou de la moindre émotion, était également inattentif. Il était souvent obligé de demander à ses interlocuteurs de répéter certaines de leurs phrases, et omettait complètement de retenir les dates de naissances de ses proches. Lorsqu’il allait encore à l’école, il n’avait pas le temps de noter le début d’une phrase qu’il avait déjà oublié la partie suivante. Cet ensemble de choses aboutissait à son caractère étourdi. Aujourd’hui, il avait été jusqu’à oublier quelques objets qu’il avait posé au bord du lac alors qu’il s’y été rendu dans la journée pour se baigner, patauger, voguer, ce que vous voulez. Il s’agissait d’une ceinture et d’une plaquette de gommettes. Jolon s’était rendu compte de leur disparition alors qu’il était au travail et qu’il souhaitait classer certains films par genre, à l’aide desdits autocollants, justement. Cependant il n’avait pas prit la peine de faire le déplacement à ce moment là, trop occupé à manger des sucreries tout en essuyant le sucre collé à ses doigts sur le dos de la chemise d’un client qu’il feignait de guider. Il était à présent aux alentours de minuit, et c’est seulement à cette heure-ci que le jeune homme se décidait à retourner chercher ses affaires. Il fallait dire qu’à chacun des mouvements qu’il faisait, son pantalon glissait sur ses jambes, ce qui le forçait à le remonter à l’aide de ses mains toutes les cinq minutes, au bas mot.
Arrivé auprès de la rive du lac, il constata qu’aucun bruit hormis celui de ses pas ne venait perturber la tranquillité de l’environnement. De petites branches craquaient, créant une atmosphère un peu glauque qui ne perturba pas le moins du monde Jolon, habitué comme il l’était à se faire des frayeurs en solitaire. Il farfouilla dans les branchages, à hauteur de son visage, ainsi que dans les hautes herbes à ses pieds, jusqu’à pousser un grognement. Il s’immobilisa. Tendit l’oreille, au cas où les gommettes s’animeraient et crieraient son nom à tue-tête, mais il n’obtint que l’écho, assez proche, des remous de l’eau. Jolon arqua un sourcil, il n’était pas seul dans les parages. L’agitation cessa alors qu’il reprenait son chemin, s’avançant jusqu’au rives en écartant les branches qui gênaient son passage, il aperçu enfin le trouble fête.
« Ha. Waslan… » Prononça-t-il.
Il s’avança encore quelques pas, dévisagea le jeune homme en face de lui. Il semblait alarmé, et ses doigts étaient crispés sur un bijou qu’il portait autour du cou. Parfois les situations les plus incongrues semblaient, aux yeux de Jolon, être les plus naturelles qui soient.
« Uhm, t’as pas vu ma ceinture ? » Lança-t-il avec comme une pointe d’espoir dans la voix.